Présentation du village

Monographie de Gayan

I

Gayan est un petit village du canton de Tarbes nord. Il s’élève au milieu d’un bouquet d’arbres dans la plaine de l’Echez, qui, depuis Tarbes, se confond avec la plantureuse plaine de l’Adour. Son territoire d’une superficie de 278 ha 9 a 72 ca et donnait un revenu de 13 181F, est borné au levant par le territoire d’Andrest, au sud par celui d’Oursbelille, à l’ouest par celui de Lagarde, dont il est séparé par la rivière l’Echez, et au nord par celui de Siarrouy, dont il est aussi séparé par l’Echez.

La distance de Gayan au chef-lieu de canton Tarbes, qui est en même temps son chef-lieu d’arrondissement, et le chef-lieu du département est de 8 km environ.

Au point de vue de sa description physique Gayan n’offre rien d’intéressant. Comme je l’ai déjà dit, il est bâti dans la plaine de l’Echez; par conséquent, ni montagne, ni colline sur son territoire.

L’Echez, affluent de l’Adour, apporte à Gayan la fraîcheur et la fécondité. Divers petits canaux qui prennent leurs eaux dans son lit sillonnent le territoire comme les veines le corps humain. Le principal est le canal dit de l’Agaou d’Andrest, qui porte les eaux de l’Echez sur les territoires d’Andrest et de Pujo, et qui alimente dans ces localités plusieurs usines: scieries, moulin à blé, à foulons, etc…

Les inondations sont fréquentes à Gayan. L’Echez, malgré les digues que les propriétaires riverains ont construites, quitte son lit en moyenne 3 ou 4 fois par an. En 1854, le village entier fut submergé: mais, depuis, par suite des défenses que l’on a élevé, les eaux ne couvrent plus que le tiers et rarement la moitié du territoire. Seules 5 ou 6 maisons, bâties non loin de la rivière, reçoivent à chaque crue la visite des eaux de l’Echez. Elles s’élèvent bien dans ces habitations de 0,10 à 0,30 m. la crue moyenne des eaux de l’Echez est de 1,50 m environ.

L’eau potable ne manque pas à Gayan. Les sources naturelles abondent dans toute la partie nord du village. Sans compter celles qui appartiennent aux particuliers, on en trouve cinq sur les places publiques. Il n’y a guère de puits que dans la partie sud. La perforation d’un puits n’est point coûteuse, l’eau potable se trouvant à une profondeur de 1,50 à 2 m au plus.

Je dirais en passant que les eaux potables ne sont guère de bonne qualité. Le sable, qui fait défaut dans le terrain, ne pouvant les filtrer, elles sont lourdes et terreuses.

Gayan se trouve à 250 m d’altitude environ. On entend le vent y souffler avec force sans doute à cause des arbres qui l’entourent ou qui s’élèvent sur les places publiques.

Les pluies y sont parfois abondantes et nuisent à la bonne qualité des récoltes. La température y est assez douce malgré le froid aquilon qui se fait vivement sentir pendant l’hiver.

Le pays est salubre: ce qui le prouve, c’est le peu d’épidémies qu’on y constate, et que l’on y vit longtemps. On compte dans le petit village de Gayan trois personnes plus que octogénaires et 5 ou 6 septuagénaires.

II

Le recensement de 1886 accuse pour Gayan une population de 264 habitants, celui de 1876 en accusait 256 et celui de 1881 n’en relevait que 253. ce chiffre tend à rester à peu près stationnaire.

Gayan est divisé en 15 quartiers, dont 8 sur lesquels s’élèvent les maisons et qui comprennent chacun savoir:

  • Marque-debat: 12 maisons; 14 feux; 48 habitants

  • Concazaux: 16 maisons; 17 feux; 56 habitants

  • Herrau: 11 maisons; 12 feux; 42 habitants

  • Village: 5 maisons; 5 feux; 17 habitants

  • Marque-darre: 3 maisons; 3 feux; 9 habitants

  • L’Echez: 4 maisons; 4 feux; 21 habitants

  • Marque-dessus: 10 maisons; 10 feux; 50 habitants

  • Poudgète: 4 maisons; 4 feux; 21 habitants

Total: 65 maisons; 69 feux; 264 habitants

La commune de Gayan est administrée par un conseil municipal de dix membres. Le maire est assisté d’un secrétaire de mairie légèrement rétribué et d’un garde-champêtre chargé de la surveillance des propriétés.

Les habitants de Gayan appartiennent à la religion catholique. Ils sont soumis à un même curé qui dessert en même temps la paroisse de Lagarde.

Pour les finances, Gayan relève de la perception d’Oursbelille. La valeur du centime est de 0,20616F pour les propriétés bâties et de 0,20751F pour les propriétés non bâties. Les revenus ordinaires sont arrêtés pour 1887 à la somme de 2 658,23F.

Le service des postes est assuré par le bureau d’Andrest. La compagnie du midi a depuis peu autorisé à la station d’Andrest un service de télégraphie privée pour cette localité et les communes voisines.

III

La principale production du pays consiste en céréales. L’agriculture n’y fait pas de progrès. La cause doit nécessairement en être attribué au découragement du propriétaire si peu dédommagé par les mauvaises récoltes, ainsi qu’au morcellement de la propriété où les machines agricoles ne peuvent fonctionner que très difficilement. On y cultive en grand le blé, le maïs et la pomme de terre. La culture du tabac tend à s’y développer. On y trouve quatre planteurs et bon nombre engagés par la rémunération que donne cette plante vont se livrer à cette culture.

Lors de l’apparition de l’oïdium, les Gayanais arrachèrent la plus grande partie de leur hautains(1), afin de livrer le terrain à la culture des céréales. On retrouve la vigne sur le territoire que dans un quartier, appelé « quartier des vignes ». pour remplacer les hautains, ils ont complanté en vigne basse les propriétés qu’ils possèdent sur les coteaux de Lagarde. Le rendement n’est pas considérable depuis quelques années quoique l’oïdium soit combattu par le soufrage. Quant au mildiou, maladie nouvelle de la vigne, je ne crois pas que ses ravages soient aussi considérables qu’on le suppose; pour ma part, j’attribue le manque de végétation et la chute des feuilles aux intempéries de l’air, c’est à dire aux gelées tardives, et pour preuve ce n’est le mildiou qui emporte les fruits de nos jardins. Pour ce qui est du phylloxéra, on n’a pas encore constaté de tâche.

La commune ne possède plus que 3 ha 40a environ de bois taillis sur le territoire de Tarasteix.

Tous les ans chaque ménage y préfère 2 ou 3 m3 de bois moyennant la minime somme de 4,30F payée à la commune.

Lagarde et Tarasteix ont fait main basse sur le reste des forêts qui autrefois appartenaient à Gayan.

Parmi les animaux domestiques, signalons l’espèce bovine, l’espèce porcine, les poules, les canards, les oies, les dindons. La race chevaline y est l’objet de soin particuliers, quant à l’espèce ovine, elle n’y est presque pas représentée.

Pas de chasseur à Gayan quoique le gibier y soit abondant. En revanche les chasseurs de Tarbes s’y donnent rendez-vous pour la chasse à coure dans les forêts de Lagarde, de Tarasteix et de Siarrouy.

La pêche à la truite et au goujon, attire à Gayan de nombreux rentiers de Tarbes et autres qu’on voit le long de l’Echez, pendant la belle saison, la ligne tendue, suivant patiemment le mouvement de l’hameçon trompeur que le poisson confiant happe avec l’appât qui l’entoure.

La seule usine que l’on trouve à Gayan est un moulin à blé mû par l’eau, c’est l’ancien moulin du château féodal.

Les chemins vicinaux qui relient Gayan aux communes voisines sont en assez bon état. Au chemin de Gayan à Lagarde a été construit il y a environ 20 ans, sur la rivière de l’Echez un pont que l’inondation de 1875 n’a pas ébranlé.

Il y a 50 ans environ, les grands fonciers de Gayan se sont opposés, pour ne pas voir écorner leur propriétés à la construction à travers la commune de Gayan, du chemin de grande communication n°7 qui va de Cheust à Maubourguet.

Le chemin de fer passe à 3 km de Gayan. Peu de gens se rendent à la station d’Andrest pour se transporter à Tarbes, chef-lieu de canton, d’arrondissement et de département; ils préfèrent s’en aller à pied. Plusieurs propriétaires possèdent des voitures et prennent des voyageurs. Donc pas de diligence ni de voiture publique.

Il n’existe pas non plus de commerce local; les denrées sont écoulés aux foires et marchés de Tarbes et Vic.

De toutes les mesures anciennes, Gayan n’a conservé que le journal(2) qui équivaut à 22 a 43.

IV

J’ai eu beau fouiller les archives et feuilleter plusieurs histoires de la Bigorre, je n’ai pu trouver aucune trace de l’étymologie de Gayan. Dés 1615 on écrivait Gayan.

On ne peut guère dire comment était administrée cette commune avant 1789. depuis elle l’est par une municipalité, attendu qu’on trouve les actes de l’État civil signés par un agent municipal, soit par le maire.

On n’a conservé ni traditions, ni légendes.

Gayan n’a pas non plus donné naissance à des personnages célèbres. Dans la famille des Barons de Cardaillac, anciens propriétaires du château; aucun membre ne s’est illustré. Leur nom ne figure point sur l’histoire de la Bigorre.

Gayan n’a gardé que la langue de ses ancêtres; le patois.

Les mœurs de ses habitants n’ont rien de caractéristique. Elles sont douces et pacifiques. Les Gayanais sont hospitaliers, affables, polis. Leur costume est celui des Pyrénées, la calotte de laine seule a fait place au béret bleu ou marron du Béarn. Lorsqu’ils se rendent au travail ils sont vêtus d’un sarrau ou grande blouse de toile et chaussés de sabots. Le dimanche ils sont vêtus très proprement à la mode de la ville.

L’alimentation est à peu prés la même dans toute la région: un bon pain de ménage fait de blé ou de méteil, pot-au-feu avec un morceau de salé et beaucoup de légumes. Le dimanche seulement on semble se rappeler qu’il faut mettre la poule au pot comme le voulait Henri IV.

Les archives communales, comme la plupart des localités, ont disparu. Ce qui reste ne permet pas de retrouver l’histoire de la commune. Aucun auteur jusqu’à présent n’a écrit quelque chose sur Gayan.

                                                                                                Le 09/04/1887

                                                                                                L’instituteur Darré

 

Annexe au titre IV.

 Jusqu’en 1840, l’enseignement était donné à Gayan, par des instituteurs libres, qui, ne possédant aucun titre, n’enseignaient que la lecture et l’écriture. Ils étaient en même temps chantres, sonneurs de cloches et fossoyeurs.

 Il est probable que dans le principe, c’étaient les prêtres qui instruisaient les enfants; ce qui porte à le croire c’est que jusqu’en 1877, la salle d’école se trouvait dans une vieille sacristie, vraie bouge sans air et sans lumière. En 1877, la commune fit l’acquisition de la maison Cazères, mais l’administration après avoir donné son adhésion s’opposa à ce qu’un secours de 200F, accordé par l’État fut employé à la restauration de cet immeuble, et exigea la construction d’une maison d’école.

 Enfin, en 1882, la municipalité céda aux désirs de l’administration. Un projet fut présenté et accepté. Le devis s’élevait à 30 000F . L’État accorda un secours de 15 000F. Mais pour le manque de ressources de la commune, le projet fut réduit de 30 000F à 22 730F. Commencée en avril 1884, elle a été complètement achevée, en juin 1886.

 Elle se compose d’un rez-de-chaussée et d’un premier. Au rez-de-chaussée se trouve la salle d’école et le logement du maître. Au premier sur un vaste vestibule, qui sépare la salle d’école du logement du maître, est la salle du conseil. Un vaste préau sépare aussi la cour du maître de celle des élèves.

 La salle d’école, qui occupe la partie Est des bâtiments scolaires, mesure 10m de long sur 7,50m de large et 4m de haut. Sa superficie de 75m² et son volume de 300m3. Elle est deux fois trop vaste pour les besoins de la commune de Gayan.

 Le logement du maître qui occupe la partie Ouest, a également une superficie de 75m². Il est divisé en quatre pièces savoir; une cuisine, une salle à manger, et deux chambres à coucher. Il manque une décharge pour le maître.

Les ressources de la commune étant à peu prés épuisées, le moment serait mal choisi pour lui demander de s’imposer de nouveaux sacrifices. Plus tard on pourra réclamer une remise avec volières et le complément du mobilier scolaire.

 La loi du 28 mars 1882 ne semble pas avoir modifié la fréquentation scolaire. Je veux admettre que les commissions scolaires ont donné quelque élan la première année de leur exercice; aujourd’hui cette loi est tombée à lettre morte. On n’a pourtant à se récrier, l’instruction est assez répandue. Chaque paysan sait lire, écrire et compter. On ne trouve pas de conscrits illettrés pas plus que de conjoints ne sachant signer leurs noms.

 Ces institutions scolaires font complètement défaut à Gayan. Pas de bibliothèque scolaire, pas de caisse des écoles, pas de Caisse d’Epargne scolaire. L’instituteur jouit d’un traitement de 1 000F. 

 
(1) hautain: 

Cep de vigne cultivé en hauteur.Le champ qui en est planté.

On écrit aussi hautin.
 
(2) le journal:
Ancienne mesure agraire: surface qu’un homme avec un attelage pouvait labourer en une journée
 
Tous nos remerciements à Mme Marie-ange Cazenave pour ces informations.